Avec du papier de soie, de la colle et de l'eau, je réalise des empreintes d'objets ou d'espaces architecturaux, comme une sorte de deuxième peau, qui en séchant épouse tous les contours de l’objet. Une fois sec, je détache délicatement le papier avec un scalpel et referme minutieusement la peau bord à bord là où nécessaire.

Ce procédé me permet de saisir à l’identique la surface des choses, mais aussi quelque chose de plus subtil : l’espace qu’elles occupent, leur présence dans le monde, à un instant donné. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas tant l’objet lui-même que la mémoire de sa présence. Mes empreintes ne sont pas des copies, mais des résonances du réel, des présences en creux.

Légères et translucides, elles semblent être une apparition ou au contraire une image en train de disparaître, comme un souvenir fragile.

Mon travail évoque l’absence, la mémoire, le rêve, l’impermanence.

Je m‘intéresse à la phénoménologie de la perception, au pouvoir d’évocation de la trace, à ce qu’elle déclenche dans notre mémoire et/ou dans notre imaginaire...

La découverte du concept de l’infra-mince de Marcel Duchamp a profondément influencé ma pratique. Etrange et poétique, l’infra -mince désigne une différence imperceptible mais absolue entre deux choses d’apparence identique, un intervalle infime, un seuil, une trace : un objet à un moment donné, le même objet une seconde plus tard, la chaleur d’un siège qui vient juste d’être quitté, l’espace entre le recto et le verso d’une feuille de papier… En matérialisant le miniscule interstice qui sépare l’objet de l’espace qui l’entoure, j’aime à penser que je matérialise l’infra-mince de Duchamp.

Médium modeste mais incroyablement versatile, le papier de soie nourrit ma recherche d’une matérialité sensible, mon exploration des traces, de la lumière et de l’impermanence.

Matière organique, sa surface fine et fragile évoque la peau, que je façonne sous forme d’empreintes délicates, de sculptures lumineuses, de photographies voilées, ou encore de « Compositions Chromatiques » où la gouache s’infuse dans ses fibres en dégradés subtils… Je ne me lasse pas d’explorer les possibilités infinies qu’il offre.